Laboratory of Informatics of Grenoble Équipe Ingénierie de l'Interaction Humain-Machine

Équipe Ingénierie de l'Interaction
Humain-Machine

Technologies persuasives

In Numéro spécial du Journal d’Interaction Personne-Système (JIPS). In Journal d’Interaction Personne-Système 4(1). pages 1-200. 2015.

Christian Bastien, Gaëlle Calvary

Bastien C., Calvary G. (Eds.)

Abstract

Les recherches menées sur ce que nous appelons maintenant les technologies persuasives (ou systèmes interactifs persuasifs) s’appuient, pour la plupart, sur les travaux de Fogg (Fogg, 1999, 2003 ; Fogg, Cuellar & Danielson, 2009 ; Fogg & Eckles, 2007). Pour Fogg, la persuasion par le biais des technologies de la communication prend place à deux niveaux : un niveau micro (la micro-persuasion) et un niveau macro (la macro-persuasion). Les systèmes de micro-persuasion sont des systèmes dont l’objectif premier n’est pas la persuasion, mais dont certaines de leurs composantes peuvent avoir de tels objectifs ou effets. La micro-persuasion est alors incorporée à certaines boîtes ou séquences de dialogue. C’est le cas par exemple lorsque Word vous indique des erreurs de frappe et vous propose des solutions. Pour Fogg, tout système qui vous rappelle ce que vous avez à faire, qui vous permet de visualiser votre activité ou encore vous encourage ou vous louange est un système de micro-persuasion, car il change votre façon de penser, d’agir. Toujours selon Fogg, des sites Web comme Amazon.com ou ebay.com dont l’objectif principal est de persuader les utilisateurs à acheter sont des exemples de macro-persuasion. Pour ces sites, la persuasion constitue leur seule raison d’être. Mais le commerce n’est pas le seul enjeu des technologies de macro-persuasion. Tous les aspects de la vie sont concernés (éducation, économie d’énergie, activité sportive, alimentation, conduite automobile écologique et durable, arrêt de la cigarette, développement durable, etc.).
Les recherches menées sur les technologies persuasives sont nombreuses. Une conférence internationale annuelle (Persuasive Technology) leur est même consacrée depuis plus de 10 ans. Mais en dépit de ce foisonnement et de la créativité des développeurs, de nombreuses critiques sont adressées à ces technologies. Les critiques et questions concernent par exemple les mécanismes persuasifs effectivement mis en œuvre dans ces technologies et les méthodologies mises en place pour évaluer leur impact.
Sous l’égide de l’AFIHM et du GDR I3 un groupe de travail (PISTIL : Persuasive Interaction for SusTainabILity, http://pistil.imag.fr/) a été créé en 2011 pour (1) identifier dans la communauté francophone, les chercheurs intéressés par les enjeux du Développement Durable en Interaction Homme-Machine, et en particulier l'étude des Techniques d'Interaction Persuasives, (2) élaborer un état de l'art dans le domaine et (3) définir un agenda de recherche pour les années à venir.

Ce numéro spécial est le fruit des rencontres et travaux réalisés depuis la création du Groupe de Travail. Ce numéro spécial est composé de 8 articles de chercheurs francophones.
Le premier article (Fointiat & Barbier) fait le point sur les connaissances acquises depuis de nombreuses années en psychologie sociale sur les mécanismes de persuasion et sur la relation attitudes et comportements. Cet article rappelle les définitions de ces deux derniers termes et présente les différents modèles théoriques du changement de comportement. Cet article devrait permettre aux chercheurs dans le domaine des technologies persuasives de mieux expliciter les mécanismes mis en jeu et de mieux évaluer leur impact.
Le deuxième article (Foulonneau, Calvary & Villain) aborde la conception des systèmes persuasifs. Après avoir présenté, en complément de l’article de Fointiat et Barbier, les « fondements » théoriques sur les comportements, les attitudes et leurs relations, la dissonance cognitive, les habiletés et les motivations et le traitement de l’information, les auteurs présentent les « modèles » du comportement humain appliqués aux technologies persuasives. Puis des « principes » de persuasion sont décrits. Ces principes sont ensuite illustrés d’exemples de conception et une méthode de conception de systèmes persuasifs est décrite. Les auteurs présentent ensuite des architectures de systèmes persuasifs et des exemples.
Quatre articles de ce numéro portent sur un domaine d’application d’actualité, la consommation énergétique. L’article de Cano, Laurillau et Calvary présente un état de l’art critique sur les technologies persuasives destinées à induire une réduction de la consommation énergétique. Ces auteurs s’appuient aussi sur les systèmes persuasifs pour le sport et la santé. Leur état de l’art leur permet de proposer un espace de classification de ces systèmes autour de six « fonctions » de persuasion, un espace qui ouvre par ailleurs de nouvelles perspectives de recherche. Les trois autres articles portant sur la consommation énergétique sont de Senach et Negri. Dans leur premier article, ces auteurs proposent d’associer le plaisir du jeu aux technologies persuasives et proposent une « boîte à outils » ludo-persuasive pour la conception et l’évaluation de ce type de systèmes. Cette proposition est accompagnée de deux autres études. Dans leur deuxième étude, Senach et Negri intègrent plusieurs principes ludo-persuasifs qui peuvent être utiles lors de la conception de ce type de systèmes. Ces principes sont ensuite appliqués dans le cadre d’un projet de réduction énergétique en entreprise.
Dans une perspective d’évaluation de systèmes interactifs par des méthodes d’inspection, Brangier, Desmarais, Nemery et Prom Tep proposent une grille qui intègre aux notions plus « traditionnelles » d’utilité et d’utilisabilité, les dimensions motivationnelles et persuasives. Une étude sur l’utilisation de cette grille est réalisée dans le but d’identifier les éléments persuasifs dans des interfaces par Brangier, Nemery et Schmitt.

Le lecteur trouvera donc dans ces articles une revue des concepts (psychologiques) du domaine des technologies persuasives, des informations sur les architectures logicielles à la base de certains systèmes dit persuasifs, un aperçu de certains domaines d’application et de nombreuses pistes méthodologiques à la fois pour la conception et pour l’évaluation de ces dispositifs.